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"REPRESENTER LA VOIX DE LA NATURE ET DE LA TERRE, 

 

RETISSER LE LIEN FONDATEUR ENTRE L'HUMAIN ET LA NATURE,

LEUR INTELLIGENCE ET LEUR SENSIBILITE RECIPROQUES "

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" La forêt chante "

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CONNEXION :

« Dans la forêt, on comprend vite que tout est relié. 

La première chose à savoir, c’est qu’elle parle. 

Pas la peine de la fixer avec tes yeux écarquillés. 

Ferme les, tu entendras mieux.

D’abord son souffle chaud, sa respiration, et les battements sous tes pieds. Le mieux, c’est de la rencontrer d’abord dans ton corps. Comme un arbre.

Sens ta respiration, le mouvement lent de l’air qui ondule et coule, comme du miel, cet oxygène source qui t’éclaire de l’intérieur.

Sens les racines sous tes pieds, la sève qui glisse au rythme de ta respiration, de ton coeur, dans ton bassin, le long de tes jambes, elle descend dans tes racines sous tes pieds, et plonge dans la terre, jusque son coeur.

Tu peux sentir le mouvement fluide, nourricier, qui te relie à elle ».

 

Olivia avait la peau tannée, impossible de savoir son âge, certains disaient qu’elle approchait les cent ans. Sa peau était comme une écorce striée de rides profondes, mais ses yeux étincelaient de milles étoiles, comme ses éclats de rires cristallins. Elle bougeait comme une petite fille. C’était la grande Femme Médecine du village, l’ancienne, celle qui connaissait le mieux la Forêt. Je me suis tout de suite sentie bien avec elle. Comme arrivée. Enfin, je n’étais plus singulière, j’étais juste arrivée. Olivia portait souvent une tunique jaune, elle rayonnait comme un soleil. J’ai vite compris dans son regard qu’elle m’avait adoptée. Parmi ses plantes, ses chants et ses colliers. Sept océans et milles mondes nous séparaient, et pourtant, à la suite de cette première rencontre, je ne suis jamais repartie, et suis restée 4 ans à ses côtés.

 

Je croyais être venue rencontrer la forêt, et puis entre quelques sourires, elle m’a fait pénétrer un lieu que rien n’aurait pu cartographier.  Un point de rencontre entre le visible et l’invisible : c’était elle, la Grande Forêt. Olivia me disait : « connaître la Forêt, c’est connaître la Médecine. Et si tu connais la Médecine, tu connaitras la Forêt »

 

Je me demandais ce qu’elle entendais par médecine. Je lui disais que nous avions aussi une médecine par chez nous, et pourtant il me semblait souvent que notre monde avait besoin d’être soigné. 

 

« Dans la tradition amérindienne, la Médecine désigne tout ce qui nous assiste dans notre guérison et notre quête humaine, ce qui nous offre de nous sentir en harmonie avec la nature et toutes formes de vie. Tout ce qui apporte de la guérison à notre corps, à notre mental, à notre esprit ou à notre communauté, est Médecine. 

 

Afin de trouver une Médecine appropriée à une situation précise, nos anciens allaient marcher dans la forêt ou la montagne afin d’écouter, d’observer les signes et les messages qui viendraient assister leur quête de sagesse. La marche permettait ainsi de se rendre ouvert et réceptif à  d’autres formes d’intelligence et d’inspiration.

 

« Kiara, toutes les créatures vivantes sont porteuses de leur propre médecine et de messages qu’elles partagent généreusement avec ceux qui apprennent leur langage. «  Hai-lo-way-ain », le langage du coeur.

Chaque créature, chaque forme de vie peut devenir un ami, un enseignant, un allié sensible. En reconnaissant cette intelligence sensible qui réside au coeur de chacun(e) et en trouvant l’harmonie avec chacun(e), nous honorons le noble chemin du gardien de la Terre.

 

La Terre est notre Mère, le Ciel notre Père, nos grand-parents sont Grand-Père Soleil et Grand-Mère Lune, nos Frères et Soeurs sont les pierres, les arbres, les animaux, les plantes, et chaque créature qui partage notre monde. En respectant et en nous ouvrant à ce qui nous entoure avec un coeur et un esprit paisible, nous redéployons «  Hai-lo-way-ain »,  le langage du coeur. Alors chaque fleur, chaque pierre peut devenir un enseignant, un ami. »

 

Les rivières s’élancent vers la mer, tout coule ensemble, chaque chose est importante et nécessaire, et c’est cela qui crée le chant de la Terre. Dans la forêt, c’est pareil. Lorsque tu respectes une créature, elle peut alors s’ouvrir à toi. Avant cela, tu ne peux qu’en percevoir la forme, t’échouer sur ses contours…ce qui t’en sépare. Parfois c’est très joli à voir, mais ça reste quand-même vide et sourd, quelque chose en toi reste sur sa faim. 

 

« Au coeur de la grande Forêt, tout est sacré et vivant. Sacré, non pas au sens de religieux, mais au sens de « digne de respect ». Il n’existe rien d’ordinaire. Même nos actions : tresser un panier, chanter, partir chasser, cueillir des baies, cuisiner… 

Chaque feuille, chaque plante, chaque animal, chaque pierre, même le feu, l’eau et le vent, nous savons qu’ils sont vivant, dotés d’une forme de conscience, de sensibilité, qui participe à la grande toile de vie. Si tu peux le voir, alors tu apprends à entendre et à communiquer avec Elle. 

 

Nous demandons toujours la permission à la Forêt avant de chasser, de voyager, de cueillir… Et ces croyances ne sont pas que les nôtres ici, Kiara. Elles sont vivantes dans toutes les cultures et les pratiques des anciens de tous les peuples de la terre. »

 

J’écoutais sa voix, et je la laissais me traverser. Je la sentais m’instruire et m’infuser. Je sentais la forêt vibrer à l’intérieur, et mon esprit, plus présent que jamais, tout à la fois, voyageait, entre les sons des bruissements invisibles et les voix des enfants qui couraient un peu plus loin. Mes doigts jouaient avec une longue plume que j’avais trouvée ce matin.

 

J’étais touchée par ses mots et cette cosmogonie bienveillante où chaque chose est dotée d’une âme, d’une place, d’un rôle, et où chacun concoure à contribuer à quelque chose de plus grand que soi. 

 

J’étais encore plus fascinée par l’aptitude de nos esprits a façonner la version du monde à laquelle ils choisissaient d’appartenir. A quel point les mots, les paroles, les interprétations que nous choisissons initient en nous la qualité de notre rapport à la vie, au monde, au temps, aux autres, à chaque instant. Donner du sens et laisser ce sens insuffler nos vies comme ces peuples qui insufflaient la beauté de l’esprit en toute chose.  Cela commençait dans le regard, l’intellect et le coeur. Un point de rencontre où soudain nous pouvons ressentir la résonance intime de toute choses entre elles. L’élan de contribution. Riche de sens. Un sens qui ne se justifie pas par la raison mais qui s’accomplit dans la réciprocité d’un réseau foisonnant de connexions.

L’équation d’un miracle fragile en équilibre qui permettait à la vie de donner le meilleur d’elle même, d’être pleine, synergique, inclusive. 

 

Je me disais que pour ces peuples, un tel regard, une telle perception sensible du vivant constituait les racines ancestrales d’une reliance organique et intime à la Forêt. C’était là plus que des contes de fées, des légendes, du folklore ou des croyances : c’était, comme je le comprendrai un peu mieux chaque jour,  le mouvement millénaire d’une culture ancienne qui rendait possible la création et la perpétuation de communautés humaines qui défendent et respectent les droits de la nature. C’était la vie qui, du sommet de sa genèse, se protégeait elle-même.  

L’esprit et les contes que tissaient ensemble cette cosmosophie sacrée du vivant me semblaient soudain, à la fois infiniment précieuses et tellement humaines. Une arche et une alliance entre l’homme et ce biotope prodigieux que constituait la Terre. Une symbiose aux assises tout aussi spirituelles que tangibles : l’imaginaire, l’esprit, le lien sacré au monde, c’était à la fois le torrent nourricier et le système immunitaire même du vivant : un véritable diapason médicinal pour le corps et le coeur des hommes. 

 

Un ouvrage magistral s’ouvrait gentiment sous mes yeux, à milles lieux du sacro saint des bibliothèques et des universités. C’était un livre vivant, et je sentais mon esprit d’enfant se réveiller comme captivé par le plus beau des contes. Une magie dont je pressentais milles couleurs sans pouvoir encore les toucher. Chaque page qu’Olivia faisait glisser sous mes yeux émerveillés, me laissait frôler l’infini des possibles d’un monde dont mon âme était assoiffée. Une beauté qui, je le savais, resterait pour moi évanescente et fragile tant que je n’aurai pas enfilé mes gants de soie pour en toucher les pages et apprivoisé les subtilités de son langage qui m’était encore étranger..

 

La jungle ma paraissait redoutablement épaisse, primitive, rugueuse, parfois brutale, mais je commençais à sentir que quelque chose frémissait en-dessous. En deça de mes perceptions. Quelque chose de délicat, de sensible, comme un fil d’or invisible qui oscillait entre toutes les formes de vie indomptables qui peuplaient cet imbroglio luxuriant. Je sentais la houle lente d’une respiration profonde et le pétillement soyeux d’un fil doré qui frétillait joyeusement entre les racines et le ciel.  

 

Extrait du livre "La forêt chante"

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